mardi 18 janvier 2011

No pasarán!

Dans un précédent billet j'avais insisté sur le fait que les ministres issus du régime de Ben Ali ainsi que le Premier Ministre et le nouveau Président de la République n'avaient pas exprimé la moindre condamnation ou distance par rapport au passé du régime Ben Ali, qui est intimement lié au leur.

Aujourd'hui, devant la pression de foules ultra déterminées, le Premier Ministre et le Président de la République viennent de communiquer (et non d'annoncer) leur démission du bureau politique du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD), bureau politique présidé jusqu'à aujourd'hui par Ben Ali!

Quelles conclusions devons-nous en tirer?

Que les sergents sont à l'image du Général! En effet, l'heureuse erreur de Ben Ali c'était de ne rien lâcher jusqu'à ce qui était en train d'être arraché par le peuple lui échappe, et alors dans un geste de fausse générosité il annonçait qu'il l'offrait. Et c'est exactement l'erreur que font les rejetons du régime Ben Ali qui sont encore dans le gouvernement.

Que peut-on faire de ces sergents? Leur demander de plier bagage, et sous la pression, ils le feront!

L'argent ne fait pas le bonheur!

Certains Tunisiens rationnels, équilibrés pensent que l'heure est à la reprise du travail, que le processus de démocratisation est définitivement sur les rails et qu'il faut désormais laisser le temps au temps, selon une formule célèbre.

A leurs yeux, le seul train qui n'attends pas est celui de l'économie et donc c'est celui sur lequel il faut embarquer tout de suite. Les principale commissions nationales qui se chargent de réviser les codes et les lois ont à leurs têtes de nouveaux responsables dont les compétences et l'intégrité sont indiscutables, que que je ne discute pas!

Ceci étant, ces hommes n'ont aucun pouvoir et ne sont protégés du pouvoir que par le bon vouloir de celui-ci. Or le pouvoir et en particulier ses forces de l'ordre sont aux ordres de ministres (Intérieur et Défense) nommes par Ben Ali et ont un long passé de complaisance passive (quand ce n'est pas pire) doublé d'un militantisme au sein du RCD.

Ces gens au lieu de répondre de leurs actes passés nous demandent de leur faire confiance pour préparer la transition. Et pourquoi ne devons-nous pas leur accorder une nouvelle chance? En effet, jusqu'à aujourd'hui, ils ont montré tous les signes de leur changement d'attitude en ne prononçant jamais le mot "criminel" et le nom "Ben Ali" dans la même phrase, le Premier Ministre n'envisageant pas qu'un jour Ben Ali soit jugé (je dis bien jugé et non condamné) arguant du fait que Ben Ali a beaucoup fait pour la Tunisie durant la première période de son règne et que c'est son épouse Leila qui l'a influencé et qui est donc la responsable de tout le mal qui se serait passé durant la seconde période! En résume, Ben Ali est une victime et devrait porter plainte contre Leila pour abus de confiance! Je disais donc que ces ministres n'ont pas encore remis en question le système auquel ils appartenaient, n'ont que vaguement condamné des personnes qui soit n'appartenaient pas a l'appareil d'Etat soit ne faisaient partie que de son pendant sécuritaire.

Comble de la provocation, M. Friaa, ministre de l'intérieur, outre passe le silence en affirmant qu'il n'avait absolument rien à reprocher ni a lui-même, ni au RCD, ni au régime!

Alors à ceux qui s'inquiètent pour l'économie et pensent qu'il faut donner du temps à ces délinquants (quand ce ne sont pas des criminels) je dis que ce qui m'intéresse c'est le bonheur et non l'argent, et s'ils pensent que le bonheur est au bout de l'argent, qu'ils ne se trompent pas, ce n'en est que l'horizon, alors engagez-vous sur ce chemin rude, douloureux (sauf pour les grands capitalistes) et sans fin, mais moi, simple prolétaire, je ne vous suivrai pas! Le bonheur n'est pas loin, le bonheur se trouve parmi nous quand nous pouvons nous faire confiance et traiter nos divergences par la discussion et non par les armes et la répression. Nous pouvons être pauvres, cela ne nous empêchera pas d'être heureux et mettre toute énergie dans la reconstruction d'un pays qui sera, pour paraphraser une fameuse expression de Winston Churchill, un pays ou si  vous êtes réveillés par des grondements au milieu de la nuit, c'est qu'il y a un orage.

Alors, prenez l'argent, je garde le bonheur!

lundi 17 janvier 2011

Vive le gouvernement d'union nationale!

Quel bonheur! Enfin un gouvernement d'union nationale! Que de nouvelle figures avec de nouveaux projets! Lesquels? Ce n'est pas le plus important, le plus important c'est le GOUVERNEMENT D'UNITE NATIONALE blanc comme le lait, lavé de tout soupçon et faites lui confiance, il vous prépare de nouveaux projet.

Un gouvernement incluant Ridha Grira, nommé le 14 janvier 2010 au poste de ministre de la Défense par Ben Ali, membre du comité central du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD), parti politique au pouvoir absolu en Tunisie  dont le président du bureau de 1956 jusqu'à vendredi dernier et dont le présidentdu bureau politique est Ben Ali, il est par ailleurs président de la cellule du RCD d'El Manar II depuis 1994.

Un gouvernement avec au ministère de l'Intérieur Ahmed Friaâ, nommé à ce poste le 12 janvier 2011 par le même Ben Ali pour trouver une échappatoire à la colère de la jeunesse tunisienne.

Avec ceci nous sommes sûr que notre police et notre armée sont entre de bonne mains, expérimentées dans la répression et puis si ces ministres ont des moments de confusion ou d'hésitation, il peuvent toujours trouver conseil auprès de leur chef, Ben Ali, ils savent où le trouver et je suis certain qu'ils pourront le joindre sans trop de difficultés. Je suis même sûr que Ben Ali veille sur eux et qu'il n'hésite pas à les remettre sur la bonne voie dès qu'ils s'en éloignent.

Laissons donc ces deux ministres travailler sur le nouveau projet et passons à Monsieur le Ministre des Finances, Ridha Chalghoum, nommé lui aussi le 14 janvier 2010 par Ben Ali, il a veillé pendant un peu moins d'un an à ce que les familles Ben Ali et Trabelsi ne manquent de rien, leur a donné de quoi vivre aisément eux et leur descendance jusqu'au prochain millénaire, à savoir 1.5 tonne d'or, les réserves de l'Etat tunisien pour acheter des armes modernes pour assurer la sécurite du président, construire des villas modernes pour assurer le confort du président et importer de l'essence qui brûle vite et bien pour aider les mécontents à se suicider.

A côté de ces ministres aux postes clé, vous trouverez beaucoup d'autres ministres au long passé militant au sein du RCD, militantisme pour le bien du pays qu'ils sont les seuls à déterminer.

A la tête de ces ministres un Premier Ministre, Mohamed Ghanouchi, nommé à ce poste le 17 novembre 1999, toujours par Ben Ali. Technocrate au long passé de militant RCD, lui aussi. En bon technocrate, son rôle se réduisait à faire tourner la baraque, malgré la main basse des clans du pouvoir sur le pays. De sa part il ne faut pas s'attendre à ce qu'il donne une direction au changement, c'est le changement qui donnera la direction au premier ministre.

Enfin, ce gouvernement rend compte à un président Foued Mebazza qui rend certainement compte à son propre président B.A.

Amis du changement, vous êtes servis!

Si je devais remercier Ben Ali pour une seule chose...

Si je devais te remercier, cher Ben Ali, pour une chose? Aucune hésitation, ce serait pour le plaisir, que dis-je? pour la jouissance, l'orgasme de t'arracher ma liberté.

Cela dit, les politesses s'arrêtent là et maintenant je te traquerai partout dans le monde afin de te faire payer tout ce que tu as fait endurer à chaque citoyen, en particulier ceux qui sont morts pour nous offrir cette victoire et ceux qui sont morts avant cette victoire et qui n'ont connu de la vie que l'oppression et la tyrannie et qui ont travaillé en encaissant les coups afin de nous offrir les conditions qui ont conduit à notre éveil et à notre émancipation, je veux dire mon grand-père et tous les autres.

Alors cher Ben Ali, regarde bien derrière toi, car j'arrive peut-être, n'ouvre pas quand on frappe à la porte, car c'est peut-être moi qui viens vous livrer les menottes, et si tu trouves un couteau sous ton matelas, là ce n'est pas moi, ce ne sont pas mes manières, mais c'est plutôt Leila, docteur ès droit, ta femme, alors, appelle moi, je viendrai te chercher et je te mettrai à l'abri là où elle ne pourra pas te faire de mal. Ton matelas sécurisé est prêt, tes draps et ton pyjama en papier déchirable sont prêts, je ferais en sorte pour que tu vives le plus longtemps possible, comme avant, c'est-à-dire à l'abri de tous et de tout, à commencer par le soleil!

J'espère juste que je t'atteindrai avant que Leila ne te joue un sale coup!

Ah, j'ai oublie, tu aura droit à de la littérature, et quelle littérature! Tu écouteras Mahmoud Darwich en boucle qui récite "Le discours du dictateur". A moins que tu ne préfère un recueil de Nizar Kabbani pour te remémorer tes romances avec Leila... Mais je ne suis pas sûr que tu puisses comprendre l'arabe classique et moi je ne sais pas le traduire en langue des fusils et des grenades... Alors on va s'en tenir à la première proposition.

dimanche 16 janvier 2011

A vous de juger

Vous avez dit changement? Je suis rivé sur TV7, la chaîne nationale tunisienne depuis 2 jours, mais j'ai l'impression que c'est une chaîne martienne. Complètement déconnectée des événements. Toujours dans la tradition de l'allégeance. Et pourquoi ne le serait-elle pas?

Les présentateurs que nous voyons aujourd'hui, même s'ils ne sont pas ceux qu'on voyaient depuis des décennies, ne sont pas de nouvelle recrues de TV7, ils faisaient partie de la rédaction et sont derrière tout ce que produisait TV7 depuis toujours.

Sachant ceci, pourquoi leur accorderai-je le moindre crédit? Vous pensez qu'aujourd'hui leur éthique s'est réveillée et qu'ils sont devenus impartiaux? Vous y croyez? Vous n'êtes pas naïf à ce point!

En lecteur plein d'optimisme, vous m'accuserez d'être un inquisiteur, un procureur intentant un procès de mauvaise intention. J'accepte l'accusation, et vous, cher lecteur juste, acceptez que je me défende.

Voici mes pièces à conviction :
  1. vendredi 14 janvier 2011, lorsque M. Ghannouchi, premier ministre, invoque l'article 56 de la constitution, en constatant une empêchement temporaire du poste de président à assumer ses fonctions, il n'est que Premier Ministre assumant les pouvoirs du Président de la République. Or, le journaliste de TV7, fidèle à la tradition de la chaîne d'allégeance, de servitude, joue plus vite que la musique et s'adresse à M. Ghannouchi avec la formule "Monsieur le Président de la République", contrairement au journaliste d'Al Jazeera qui s'adresse au même M. Ghannouchi en utilisant la formule "Monsieur le Premier Ministre assumant les Pouvoirs du Président de la République"! Le même journaliste d'Al Jazeera insiste et demande s'il était possible que Ben Ali retourne à son poste, et devant une réponse hésitante mais négative, demande pourquoi l'article 57 de la constitution qui, en cas d'empêchement définitif du Président de la République" à assumer ses fonctions, c'est le président du parlement qui le remplace et organise des élections, n'a pas été appliqué. En revanche, le journaliste de TV7 n'ose pas poser des questions aussi impertinente! Vous pouvez ces "erreurs" au crédit de la médiocrité des journalistes officiels tunisiens et de leur formation (ne me comprenez pas mal, il y a de très bon journalistes tunisiens, mais essentiellement dans la presse indépendante), mais cela ne saurait tout justifier!
  2. Et pendant ce temps là sur TV7... : pendant que les situations changent chaque minute sur tout le territoire, TV7 alterne entre appels de citoyens (il faut vérifier si ce ne sont pas de faux appels) se réjouissant de la présence de l'armée ou implorant son arrivée, discussions tranquilles avec des artistes, chansons exacerbant le sentiment national voire le nationalisme. Il y avait même une chanson en noir et blanc où le fond de l'image était occupé par le symbole de la jeunesse destourienne (jeunes militants du PSD, ex-RCD) composé du drapeau tunisien avec trois jeunes portant trois flambeaux, vous pensez que c'est un hasard? Les chansons exacerbent le nationalisme afin que tout le monde ne pense qu'au bien de l'Etat et se range derrière les autorités abandonnant temporairement (le temps que les pouvoirs se refassent une santé) les débats d'idées symbolisant la division. Les appels évoquant l'armée servent à terroriser la population en même temps qu'ils redonnent la confiance de la population en l'armée et par transitivité en l'Etat. Enfin les artistes sont là pour meubler les programmes.
  3. 48h d'une télévision "libre" : libre de tout, même des événement, de la politique et de l'avenir de la Tunisie! Alors qu'il est urgent de faire connaître les partis, leurs idées, leurs propositions, afin que les gens les connaissent (il faut rappeler que les partis d'opposition vivaient de manière sous-terraine sous le régime de Ben Ali et étaient coupés du peuple) et puissent se décider avec discernement lors des élections qu'on espère proche, en 48 heures, il n'y a eu à aucun moment le moindre débat politique, le moindre représentant d'un parti de l'opposition ou d'une organisation syndicale.
  4. Rappelant le passé d'allégeance et d'asservissement au pouvoir de TV7, toute personne sensé ne peut lui accorder le moindre crédit. S'ils voulaient être crédible, pourquoi n'ont-ils pas invités sur leurs plateaux des journalistes des journaux indépendants pour co-animer les débats et émissions par ailleurs absents?
  5. Nous voulons de la transparence :  Quelle est la chaîne de commandement à laquelle obéit TV7 aujourd'hui? Pour qu'on vous croie, nous voulons toute la chaîne hiérarchique de laquelle dépend tout ce qui est diffusé sur TV7 aujourd'hui.
Maintenant, cher lecteur juste, j'en ai terminé avec ma défense et je m'en remets à votre jugement!

Passants parmi des paroles passagères...

Un billet pour vous détendre avec ce merveilleux poème de Mahmoud Darwich avant un billet plus en rapport avec les événements actuels en Tunisie


Passants parmi des paroles passagères


(Mahmoud Darwich)
 

Vous qui passez parmi les paroles passagères
portez vos noms et partez
Retirez vos heures de notre temps, partez
Extorquez ce que vous voulez
du bleu du ciel et du sable de la mémoire
Prenez les photos que vous voulez, pour savoir
que vous ne saurez pas
comment les pierres de notre terre
bâtissent le toit du ciel

Vous qui passez parmi les paroles passagères
Vous fournissez l’épée, nous fournissons le sang
vous fournissez l’acier et le feu, nous fournissons la chair
vous fournissez un autre char, nous fournissons les pierres
vous fournissez la bombe lacrymogène, nous fournissons la pluie
Mais le ciel et l’air
sont les mêmes pour vous et pour nous
Alors prenez votre lot de notre sang, et partez
allez dîner, festoyer et danser, puis partez
A nous de garder les roses des martyrs
à nous de vivre comme nous le voulons.

Vous qui passez parmi les paroles passagères
comme la poussière amère, passez où vous voulez
mais ne passez pas parmi nous comme les insectes volants
Nous avons à faire dans notre terre
nous avons à cultiver le blé
à l’abreuver de la rosée de nos corps
Nous avons ce qui ne vous agrée pas ici
pierres et perdrix
Alors, portez le passé, si vous le voulez
au marché des antiquités
et restituez le squelette à la huppe
sur un plateau de porcelaine
Nous avons ce qui ne vous agrée pas
nous avons l’avenir
et nous avons à faire dans notre pays

Vous qui passez parmi les paroles passagères
entassez vos illusions dans une fosse abandonnée, et partez
rendez les aiguilles du temps à la légitimité du veau d’or
ou au battement musical du revolver
Nous avons ce qui ne vous agrée pas ici, partez
Nous avons ce qui n’est pas à vous :
une patrie qui saigne, un peuple qui saigne
une patrie utile à l’oubli et au souvenir

Vous qui passez parmi les paroles passagères
il est temps que vous partiez
et que vous vous fixiez où bon vous semble
mais ne vous fixez pas parmi nous
Il est temps que vous partiez
que vous mouriez où bon vous semble
mais ne mourez pas parmi nous
Nous avons à faire dans notre terre
ici, nous avons le passé
la voix inaugurale de la vie
et nous y avons le présent, le présent et l’avenir
nous y avons l’ici-bas et l’au-delà
Alors, sortez de notre terre
de notre terre ferme, de notre mer
de notre blé, de notre sel, de notre blessure
de toute chose, sortez
des souvenirs de la mémoire
ô vous qui passez parmi les paroles passagères

Si le pouvoir était un serpent...

Si le pouvoir était un serpent, il serait une hydre de lerne, cette créature de la mythologie grecque se présentant sous la forme d'un serpent d'eau avec parfois un corps de chien possédant plusieurs têtes, dont une immortelle. Ses têtes se régénéraient doublement lorsqu'elles étaient tranchées, et l'haleine soufflée par les multiples gueules exhalait un poison radical, même durant le sommeil de l'animal.

En effet réduire le pouvoir sous lequel la Tunisie avait  vécu durant des décennies à un serpent dont il suffirait de trancher la tête (qui serait Ben Ali) pour qu'il soit mort pour toujours est raisonnement trop simpliste et peut mener à de graves conséquences.

Les têtes de l'hydre de lerne tunisienne sont nombreuses et pendant qu'on est occupé à en couper certaines, celles qu'on laissaient pour mortes repoussent. Parmi ces têtes, il y a les plus hauts dirigeants de l'Etat dans les dernières décennies, les cadres et sous-cadres du RCD (parti du pouvoir), des conservateurs et des corrompus qui se sont accomodé de l'ancien régime et qui ne voient pas ce qu'ils auraient à gagner avec un changement démocratique qui mettrait tous les citoyens sur un même pied d'égalité alors qu'ils avaient réussi à se maintenir au dessus de la majorité de la population.

Se dire que l'ancien régime est mort avec le départ et donc la mort politique de Ben Ali serait une erreur grave que -heureusement- une majorité du peuple est en train de réaliser, d'autant plus que Ben Ali pourrait bel et bien être immortelle de l'hydre de lerne tunisienne.

En effet, aujourd'hui le pouvoir (politique et donc absolu) est toujours entre les mains des mêmes personnes à Ben Ali près, et encore croyez-vous que parce qu'il est géographiquement lointain que l'ancien président est coupé du pouvoir?

Croyez-vous que Mebazza et Ghannouchi, compagnons de route historiques de Ben Ali, piliers du pouvoir répressif et sanguinaire depuis plus d'une décennie, sont déconnecté de Ben Ali? Les avez-vous condamner une seule fois, même à demi-mot le régime passé? Moi non et cela ne m'étonne pas, comment voulez-vous qu'ils se condamnent eux-mêmes?

Quel crédit donner ces deux responsables qui ont déclaré assumer les plus hautes charges de l'Etat dans l'intérêt de l'Etat (oui je l'ai dit et le redis, ils n'ont jamais invoqué l'intérêt du peuple, ce qui est symboliquement complètement différent), quel crédit donner à ces Mebazza et Ghannouchi alors qu'ils étaient complices de la répression des semaines dernières , complices de la fuite du président criminel Ben Ali, qu'ils auraient dû traîner devant une cour de justice indépendante au lieu de couvrir sa fuite par une mascarade en deux actes (acte 1 : article 56, acte 2 : article 57) avec une entracte animée par les milices et mercenaires de la sécurité présidentielle et du RCD?

Nous ne sommes pas sortis de l'auberge, il n'y a qu'à regarder la télévision nationale (TV7) pour réaliser que rien, absolument rien n'a changé. Pas un seul débat politique en 48 heures, juste des émissions où des citoyens parlent d'insécurité et qui pourraient bien faire partie de la même pièce que le pouvoir nous joue, mais ceci sera le sujet d'un prochain billet.

Pour en revenir à l'histoire de l'hydre de lerne,  dont l'haleine soufflée par les multiples gueules exhalait un poison dangereux, même durant le sommeil de l'animal et qui ravageait le bétail et saccageait les récoltes, Héraclès finit par la tuer, plusieurs récits différents racontent cet exploit, et la version que je préfère est la suivante:

"Débordé par les multiples régénérations céphaliques, Héraclès appela Iolaos, fils d'Iphiclès, à la rescousse. Sur l'ordre de son oncle, il enflamma quelques arbres et utilisa des brandons afin de cautériser les moignons de cou. Quant à la tête immortelle, elle fut tranchée et enterrée, encore sifflante, sous un rocher." (source wikipedia)

Restons vigilants car tout peut redevenir comme avant, même le président!

Pourquoi le débat de constitutionnalité est nul et non avenu

Juste après la fuite de Ben Ali le Premier Ministre Mohamed Ghanouchi a annoncé qu'il assurait l'intérim en invoquant l'article l'article 56 qui s'applique en cas d'empêchement provisoire du Président de la République pour assurer ses fonctions.

Dans ce cas le Président demeure Ben Ali et Ghannouchi n'est que Premier Ministre bénéficiant temporairement des pouvoirs du Président de la République. Et a ce propos permettez moi de relever cette anecdote qui en d'autres circonstances prêterait à rire  et qui montre l'immaturité de nos journalistes officiels qui se soumettent d'eux même (c'est dans leur nature). En effet alors que le journaliste d'Al Jazeera s'adressait à M. Ghannouchi par la formule "Monsieur le Premier Ministre assurant les fonction de la Présidence de la République", les journalistes de la chaîne nationale tunisienne (TV7) utilisaient plutôt la formule "Monsieur le Président de la République", TV7 continue dans sa tradition de jouer plus vite que la musique et d'être plus royaliste que le roi.

Je reviens à mon sujet après cette digression pleine de sens. Donc après la déclaration de M. Ghannouchi invoquant l'article 56, beaucoup de voix parmi les journalistes et les opposants contestant la légalité de cette transition et la légitimité de M. Ghannouchi, invoquant l'article 57 de la Constitution qui stipule qu'en cas d'empêchement définitif du Président de la République pour assurer ses fonctions c'est le président du parlement qui assure l'intérim et convoque des élections anticipée (présidentielles ou législatives, je ne sais pas et cela ne m'intéresse pas) dans un délais de 45 à 60 jours.

En apparence ils ont raison, mais fondamentalement ils sont hors sujet. En effet comme mon titre l'annonce, à mes yeux, ce débat est NUL ET NON AVENU, et ceux qui s'accrochent à de tels arguments sont au mieux des gens égarés, au pire des manipulateurs qui cherchent à gagner du temps.

Dans ce qui suit je vais expliquer ma position:
  • L'Etat doit se conformer à la loi de la République autrement il perd toute confiance et toute crédibilité et donc toutes les actions qu'il entreprend doivent être frappée du sceau de la légalité. Donc à priori, c'est l'article 57 qui doit s'appliquer et M. Mebazza, président du parlement devrait assumer la présidence. Mais est-ce que la légalité est la seule condition pour rendre cette transition incontestable? En des circonstances normales oui, en des circonstances exceptionnelles, c'est insuffisant.
  • Au dessus de la légalité il y a le concept moins précis mais plus important dans une démocratie de légitimité. A priori on aurait tendance à dire que M. Mebazza serait légitime à la présidence, en vertu de la constitution, puisque ce serait conforme à la loi. Ce n'est pas tout à fait exact. Cela comporte un sous-entendu qui suppose que la loi serait un vecteur de légitimité, c'est à dire ferait passer l'acceptation et l'incontestabilité populaires à M. Mebazza au poste de la Présidence de la République. Or connaissant l'histoire récente de la Tunisie, personne ne peut se hasarder à dire que la constitution et la loi tunisiennes portent en elles le sceau de la légitimité et ne peuvent donc le transmettre. En effet après Bourguiba, Ben Ali  a régné sans partage sur la Tunisie s'appuyant sur le Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD), parti du pouvoir qui détenait de manière ultra exclusive le pouvoir législatif. En conséquence le parlement n'a jamais exprimé la volonté du peuple et n'a jamais disposé du sceau de la légitimité populaire. Ben Ali à réussi asservir le RCD et à faire une constitution ad personam d'où l'intérêt populaire a été complètement banni.
Au vu de ceci, devons nous perdre notre temps à discuter de conformité à la constitution? N'y a-t-il pas des points bien plus graves sur lesquels nous devons vigilants? Ne devons-nous pas nous poser la question suivante : "Est-ce que le Premier Ministre et le Président du Parlement qui ont été des membres actifs du système pendant des décennies et durant les dernières semaines de révolte populaire peuvent encore disposer du moindre crédit quand ils nous assurent qu'ils sont en train d'agir pour les intérêt de l'"Etat" (oui ils n'ont jamais dit du "peuple"), qui ont laissé s'échapper le Ben Ali, sa famille, et les principaux faucons? Qui nous dit qu'ils ne sont pas encore en contact avec Ben Ali et qu'ils ne sont pas en service commandé?"

Rien n'est encore acquis et tout peut (subtilement) revenir comme avant!