dimanche 16 janvier 2011

A vous de juger

Vous avez dit changement? Je suis rivé sur TV7, la chaîne nationale tunisienne depuis 2 jours, mais j'ai l'impression que c'est une chaîne martienne. Complètement déconnectée des événements. Toujours dans la tradition de l'allégeance. Et pourquoi ne le serait-elle pas?

Les présentateurs que nous voyons aujourd'hui, même s'ils ne sont pas ceux qu'on voyaient depuis des décennies, ne sont pas de nouvelle recrues de TV7, ils faisaient partie de la rédaction et sont derrière tout ce que produisait TV7 depuis toujours.

Sachant ceci, pourquoi leur accorderai-je le moindre crédit? Vous pensez qu'aujourd'hui leur éthique s'est réveillée et qu'ils sont devenus impartiaux? Vous y croyez? Vous n'êtes pas naïf à ce point!

En lecteur plein d'optimisme, vous m'accuserez d'être un inquisiteur, un procureur intentant un procès de mauvaise intention. J'accepte l'accusation, et vous, cher lecteur juste, acceptez que je me défende.

Voici mes pièces à conviction :
  1. vendredi 14 janvier 2011, lorsque M. Ghannouchi, premier ministre, invoque l'article 56 de la constitution, en constatant une empêchement temporaire du poste de président à assumer ses fonctions, il n'est que Premier Ministre assumant les pouvoirs du Président de la République. Or, le journaliste de TV7, fidèle à la tradition de la chaîne d'allégeance, de servitude, joue plus vite que la musique et s'adresse à M. Ghannouchi avec la formule "Monsieur le Président de la République", contrairement au journaliste d'Al Jazeera qui s'adresse au même M. Ghannouchi en utilisant la formule "Monsieur le Premier Ministre assumant les Pouvoirs du Président de la République"! Le même journaliste d'Al Jazeera insiste et demande s'il était possible que Ben Ali retourne à son poste, et devant une réponse hésitante mais négative, demande pourquoi l'article 57 de la constitution qui, en cas d'empêchement définitif du Président de la République" à assumer ses fonctions, c'est le président du parlement qui le remplace et organise des élections, n'a pas été appliqué. En revanche, le journaliste de TV7 n'ose pas poser des questions aussi impertinente! Vous pouvez ces "erreurs" au crédit de la médiocrité des journalistes officiels tunisiens et de leur formation (ne me comprenez pas mal, il y a de très bon journalistes tunisiens, mais essentiellement dans la presse indépendante), mais cela ne saurait tout justifier!
  2. Et pendant ce temps là sur TV7... : pendant que les situations changent chaque minute sur tout le territoire, TV7 alterne entre appels de citoyens (il faut vérifier si ce ne sont pas de faux appels) se réjouissant de la présence de l'armée ou implorant son arrivée, discussions tranquilles avec des artistes, chansons exacerbant le sentiment national voire le nationalisme. Il y avait même une chanson en noir et blanc où le fond de l'image était occupé par le symbole de la jeunesse destourienne (jeunes militants du PSD, ex-RCD) composé du drapeau tunisien avec trois jeunes portant trois flambeaux, vous pensez que c'est un hasard? Les chansons exacerbent le nationalisme afin que tout le monde ne pense qu'au bien de l'Etat et se range derrière les autorités abandonnant temporairement (le temps que les pouvoirs se refassent une santé) les débats d'idées symbolisant la division. Les appels évoquant l'armée servent à terroriser la population en même temps qu'ils redonnent la confiance de la population en l'armée et par transitivité en l'Etat. Enfin les artistes sont là pour meubler les programmes.
  3. 48h d'une télévision "libre" : libre de tout, même des événement, de la politique et de l'avenir de la Tunisie! Alors qu'il est urgent de faire connaître les partis, leurs idées, leurs propositions, afin que les gens les connaissent (il faut rappeler que les partis d'opposition vivaient de manière sous-terraine sous le régime de Ben Ali et étaient coupés du peuple) et puissent se décider avec discernement lors des élections qu'on espère proche, en 48 heures, il n'y a eu à aucun moment le moindre débat politique, le moindre représentant d'un parti de l'opposition ou d'une organisation syndicale.
  4. Rappelant le passé d'allégeance et d'asservissement au pouvoir de TV7, toute personne sensé ne peut lui accorder le moindre crédit. S'ils voulaient être crédible, pourquoi n'ont-ils pas invités sur leurs plateaux des journalistes des journaux indépendants pour co-animer les débats et émissions par ailleurs absents?
  5. Nous voulons de la transparence :  Quelle est la chaîne de commandement à laquelle obéit TV7 aujourd'hui? Pour qu'on vous croie, nous voulons toute la chaîne hiérarchique de laquelle dépend tout ce qui est diffusé sur TV7 aujourd'hui.
Maintenant, cher lecteur juste, j'en ai terminé avec ma défense et je m'en remets à votre jugement!

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