dimanche 16 janvier 2011

Pourquoi le débat de constitutionnalité est nul et non avenu

Juste après la fuite de Ben Ali le Premier Ministre Mohamed Ghanouchi a annoncé qu'il assurait l'intérim en invoquant l'article l'article 56 qui s'applique en cas d'empêchement provisoire du Président de la République pour assurer ses fonctions.

Dans ce cas le Président demeure Ben Ali et Ghannouchi n'est que Premier Ministre bénéficiant temporairement des pouvoirs du Président de la République. Et a ce propos permettez moi de relever cette anecdote qui en d'autres circonstances prêterait à rire  et qui montre l'immaturité de nos journalistes officiels qui se soumettent d'eux même (c'est dans leur nature). En effet alors que le journaliste d'Al Jazeera s'adressait à M. Ghannouchi par la formule "Monsieur le Premier Ministre assurant les fonction de la Présidence de la République", les journalistes de la chaîne nationale tunisienne (TV7) utilisaient plutôt la formule "Monsieur le Président de la République", TV7 continue dans sa tradition de jouer plus vite que la musique et d'être plus royaliste que le roi.

Je reviens à mon sujet après cette digression pleine de sens. Donc après la déclaration de M. Ghannouchi invoquant l'article 56, beaucoup de voix parmi les journalistes et les opposants contestant la légalité de cette transition et la légitimité de M. Ghannouchi, invoquant l'article 57 de la Constitution qui stipule qu'en cas d'empêchement définitif du Président de la République pour assurer ses fonctions c'est le président du parlement qui assure l'intérim et convoque des élections anticipée (présidentielles ou législatives, je ne sais pas et cela ne m'intéresse pas) dans un délais de 45 à 60 jours.

En apparence ils ont raison, mais fondamentalement ils sont hors sujet. En effet comme mon titre l'annonce, à mes yeux, ce débat est NUL ET NON AVENU, et ceux qui s'accrochent à de tels arguments sont au mieux des gens égarés, au pire des manipulateurs qui cherchent à gagner du temps.

Dans ce qui suit je vais expliquer ma position:
  • L'Etat doit se conformer à la loi de la République autrement il perd toute confiance et toute crédibilité et donc toutes les actions qu'il entreprend doivent être frappée du sceau de la légalité. Donc à priori, c'est l'article 57 qui doit s'appliquer et M. Mebazza, président du parlement devrait assumer la présidence. Mais est-ce que la légalité est la seule condition pour rendre cette transition incontestable? En des circonstances normales oui, en des circonstances exceptionnelles, c'est insuffisant.
  • Au dessus de la légalité il y a le concept moins précis mais plus important dans une démocratie de légitimité. A priori on aurait tendance à dire que M. Mebazza serait légitime à la présidence, en vertu de la constitution, puisque ce serait conforme à la loi. Ce n'est pas tout à fait exact. Cela comporte un sous-entendu qui suppose que la loi serait un vecteur de légitimité, c'est à dire ferait passer l'acceptation et l'incontestabilité populaires à M. Mebazza au poste de la Présidence de la République. Or connaissant l'histoire récente de la Tunisie, personne ne peut se hasarder à dire que la constitution et la loi tunisiennes portent en elles le sceau de la légitimité et ne peuvent donc le transmettre. En effet après Bourguiba, Ben Ali  a régné sans partage sur la Tunisie s'appuyant sur le Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD), parti du pouvoir qui détenait de manière ultra exclusive le pouvoir législatif. En conséquence le parlement n'a jamais exprimé la volonté du peuple et n'a jamais disposé du sceau de la légitimité populaire. Ben Ali à réussi asservir le RCD et à faire une constitution ad personam d'où l'intérêt populaire a été complètement banni.
Au vu de ceci, devons nous perdre notre temps à discuter de conformité à la constitution? N'y a-t-il pas des points bien plus graves sur lesquels nous devons vigilants? Ne devons-nous pas nous poser la question suivante : "Est-ce que le Premier Ministre et le Président du Parlement qui ont été des membres actifs du système pendant des décennies et durant les dernières semaines de révolte populaire peuvent encore disposer du moindre crédit quand ils nous assurent qu'ils sont en train d'agir pour les intérêt de l'"Etat" (oui ils n'ont jamais dit du "peuple"), qui ont laissé s'échapper le Ben Ali, sa famille, et les principaux faucons? Qui nous dit qu'ils ne sont pas encore en contact avec Ben Ali et qu'ils ne sont pas en service commandé?"

Rien n'est encore acquis et tout peut (subtilement) revenir comme avant!

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